Samy-Daussat-Nouvelle-Vague

Le rock'n'roll est t-il soluble dans le jazz manouche ?

 

Le rock’n’roll est-il soluble dans le jazz manouche ? La question pourrait tourner au dilemme (après tout, ne serait-ce pas l’inverse ?), si à ce défi faussement bonhomme, Samy Daussat n’apportait de savoureuses réponses.

 

 

 

En maître-queux avisé, notre homme se garde bien, en effet, de « cuisiner l’anecdotique », écueil le plus tentant en pareille situation. C’est ici que le choix de l’angle et de la perspective apparaît décisif. En revendiquant sans complexe ce répertoire « yé-yé » peuplé de tubes (versions originales ou sous-titrées), parfois avec un brin d’ironie (puisque Gainsbourg et Nino Ferrer y trouvent aussi habilement leur part), Samy fait travailler l’imaginaire, fouillant les recoins de nos mémoires, frappant au bon endroit.

 

 

 

Bien qu’il ne dédaigne pas décocher ici et là quelques flèches guitaristiques particulièrement affûtées (à commencer par le « Yeh Yeh » d’ouverture), le leader distribue généreusement les cartes, apprêtant les couleurs (guitares, flûte, saxophone, contrebasse, batterie…), osant l’insolite et l’évidence (la joyeuse chorale de « Nouvelle Vague », les claquements de doigts de « Be-Bop-A-Lula », l’électricité de « Toujours un coin… »), permettant à chacun de donner de la voix. Laissant libre cours, par exemple, à celle, délicieusement acide, de Jean-Yves Dubanton, ou à la nostalgie chaleureuse de Marie-Christine Brambilla. Grand ordonnateur, l’archer ne manque pas non plus d’atteindre sa cible, jaugeant le juste équilibre, distillant le bon groove, ramassant à chaque fois « le lieu et la formule », la main heureuse…

 

 

 

Pour parachever l’entreprise, Samy s’est assuré le concours de l’immense Tchavolo, qui plus qu’un simple invité, se révèle ici un véritable partenaire. Le Manouche et le rock’n’roll… Qui l’eût cru ? Mais écoutons plutôt notre Tchavolo : « J’avais dans les douze-treize ans… Il y avait mon défunt frère Loulou (un fan d’Eddy Mitchell) à la guitare et au chant, Gogo à la batterie et au contrechant, et moi. On jouait pour nous, pour s’amuser. Quand on était arrêtés vers Paris, les filles venaient frapper à la porte de la caravane, elles voulaient qu’on les fasse danser. On jouait des trucs d’Eddy, des Chats Sauvages, du Elvis, du Vince Taylor, du rockabilly, tout ça… ».

 

 

 

Alors, phagocyté par le rock, l’idiome manouche ? Nullement… Affaire de sang, et d’énergie. De cœur. Et de mémoire. En pimentant sa musique, Daussat est parvenu à lui donner une saveur inédite. N’en déplaise à ses plus irréductibles réfractaires (s’il en reste !), cette « nouvelle vague » affiche décidément une bien belle tenue.

 

 

 

Max Robin

 

 



28/06/2013
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