Samy-Daussat-Nouvelle-Vague

Jazz Hot n°665, Nouveauté-Sélection

Comme chacun sait la musique est un « Art de combiner les sons [objectif] d’une manière agréable à l’oreille [subjectif] » (Larousse Universel, édition 1923). L’artisan de la musique est en premier lieu (trace écrite) le compositeur (en second lieu, l’improvisateur sans thème écrit ou mémorisé – éphémère). Tout compositeur est dépendant des interprètes qui donnent vie et un sens à la musique. Et des trahisons, il y en eut : Jerome Kern fut très fâché par l’album que Dizzy Gillespie lui a consacré, de même Charles Trenet n’a pas toujours été heureux des versions autour du monde, jusqu’au Japon, de « La Mer ». On peut donner le sens que l’on veut à la musique. Mon regretté ami Jacques Jay a enregistré pour Vogue, « Les Oignons » de Sidney Bechet en polka. Il fut, dans les années 1960, une mode passagère de jazzer Jean-Sébastien Bach (procédé qui démontre que « le jazz » c’est jazzer la musique selon deux outils d’interprétation : 1.mise en place rythmique, 2.traitement des sons). Reste alors le critère d’authenticité qui alimente l’imaginaire. Seul le romantisme des fans put leur faire croire que la formulation approximative et fragile de quelques vétérans relevait de la source authentique du jazz traditionnel alors que c’est juste une interprétation émouvante de vieux. Les baroqueux adeptes des instruments anciens nous ont infligé des tourments acoustiques sans pouvoir amener une preuve d’authenticité. Enfin, et nous y voilà, en quoi un « jazz » serait-il authentiquement « manouche » ? Il s’agit d’une étiquette commerciale qui rassure le néophyte qu’il s’agira bien d’une manière agréable à l’oreille, puisque dans l’esprit de ce même « non spécialiste » l’étiquette « jazz » est devenue synonyme de « créativité » qui pudiquement désigne des incongruités. Nous avons donc là un projet : « le rock'n'roll [en fait yé-yé] est-il soluble dans le jazz manouche ? » (cf. livret, p.1). Il n’y a strictement aucune raison pour que les thèmes des chansons en vogue dans les années 1950-60, souvent des « reprises » françaises de succès américains comme « Nouvelle Vague », « L’idole des jeunes », « Souvenirs souvenirs » ne soient pas interprétés 1 avec swing, 2 avec l’expressivité inventée par Django. Nous avons déjà dit le bien que nous pensons de Samy Daussat à propos de son passage à Marciac et de In Time pour ce même Label Ouest. Eddy Mitchell, concerné (« Be Bop a Lula », « Tu parles trop »,…) est clair : « Bravo et merci pour vos interprétations très réussies ». Mention spéciale à la guitare électrique très rock de Fred de Charco dans « Toujours un coin qui me rappelle », à la bossa « La rua Madureira » que s’était attribué Nino Ferrer, chanté par M.-Ch. Brambilla avec le ténor getzien de Benoît Lebrun et la coda flambante de Tchavolo, ainsi qu’à la stupéfiante « composition spontanée », « Ballade à Marie » de/par Tchavolo Schmitt bien dans l’esprit de Django. Samy Daussat, seul, joue « Be Bop a Lula » en parfait bluesman. L’ombre de Django plane sur des réussites signées Samy Daussat : « Verte Campagne (Green Fields) » (1960), « Love Me Tender (Aura Lee) » (folksong repris par Elvis Presley), « Souvenirs souvenirs », « Tu parles Trop » (solo de guitare) et ses compositions « Sunday Morning Scopitone » et l’énergique « Yéyé manouche ». L’un des clous du CD est bien « Nouvelle Vague (Three Cool Cats) » (1959), ex-succès des Coasters/Richard Anthony, où Tchavolo Schmitt n’est pas « cool » mais bien « hyper hot » imposant ici un climat survolté. Le livret indique le personnel pour chaque titre.
Michel Laplace



04/11/2013
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